PrésentationPrésentationEn Estonie du XIII au XVème siècle

 

Au début du XIII° siècle, le quart sud est de la Baltique semble être le dernier secteur de l’Europe non christianisé et extérieur aux organisations étatiques. Sa structuration et assimilation à la chrétienté médiévale, vient au confluent de trois influences majeures : les mondes viking, germanique, et russe.

1-Le monde viking

Au VIII-XI°, l’expansion viking s’était portée vers l’ouest (îles britanniques, et ancienne Gaule), et vers l’est, le long des voies commerciales jusqu’à l’empire de Byzance et le monde musulman.

a) vers l’ouest,

Au IX° siècle, la cible est d’abord les îles britanniques, avec la constitution du « Danelaw », et les raids dévastateurs sur les côtes de la Manche et de l’océan atlantique. Progressivement, la christianisation des Vikings et l’élaboration de structures étatiques plus centralisées va permettre leur assimilation au X° et XI° siècles : royaume dano-britannique de Knut le grand, fixation en Normandie, et conquête normande de l’Angleterre. La puissance scandinave sur la Baltique et le commerce correspondant vont décliner à partir du XI° siècle.

b) vers l’est,

Au IX° siècle les scandinaves (Varègues), marchands-guerriers, développent une nouvelle voie commerciale entre la Baltique et les monde byzantin et musulman, par la Dvina occidentale et le Dnieper. Kiev devient capitale en 882 de la « Rus », pays slave fondé et gouverné à l’origine par les Scandinaves. Le commerce est centré sur les fourrures, les esclaves et le miel… Par là, pénètre et s’étend la christianisation selon le mode orthodoxe, tourné vers Constantinople. Elle atteint rapidement la Carélie au fond du golfe de Finlande.

L’Estonie actuelle dépend dans sa partie orientale, des principautés russes, issues de la Russie kiévienne, et constitue, dans sa partie occidentale une base de raids importants vers les îles de la Baltique et la côte suédoise. Saaremaa est considérée comme un nid de pirates. Le pays s’enrichit et développe une agriculture basée sur l’orge, avec constitution de petites agglomérations.

Plusieurs missions pacifiques, parties du Danemark (Lund, sud de la Suède actuelle, alors danoise) ont tenté de convertir les Estoniens indigènes et les Baltes, aux XI et XII° siècle, sans succès durable.

 

2-Le monde germanique

Après le déclin scandinave, la poussée démographique du monde germanique s’est portée vers le secteur « vide » à l’est, au delà de l’Elbe : ensemble de terres souvent marécageuses et de forêts, à la population clairsemée. Il a mêlé, un développement du commerce, une colonisation des terres et des missions d’évangélisation.

a) le commerce

Après la fondation de Lübeck (1143), alors aux frontières orientales de l’empire, la Hanse est fondée en 1161, à partir de Visby sur l’île de Gotland, pour consolider et sécuriser le commerce de la Baltique, jusqu’à la région de Novgorod, au nord des pays russes pourvoyeurs de fourrures.

b) la colonisation

La colonisation allemande, progresse un peu au sud de la côte baltique où le duché de Poméranie (de Rügen à Dantzig) garde son autonomie. Le Brandebourg et la nouvelle marche ne peuvent s’étendre plus à l’est, où ils rencontrent la Pologne déjà christianisée. Mais au delà se trouvent les Prusses, les Lituaniens les Lettons, et les Estoniens, encore païens et organisés en petits groupements sans chefs reconnus par tous.

c) la christianisation

Parallèlement, les évêques d’Allemagne du nord lancent des missions d’évangélisation. Vers 1169 est créé un « évêché des Estoniens » pour Foulques, moine cistercien de Montier la Celle, près de Troyes. Le nouvel évêque a visité son évêché, mais en 1180, il est revenu en France. Un évêché des Lives (population proche des Estoniens, et aujourd’hui disparue) est fondé en Lettonie occidentale actuelle, mais le groupe des missionnaires est bientôt massacré. En 1186 est fondé un nouvel évêché des Lives, par Meinhard de Holstein, venant de Brême. Pour sécuriser la mission il fonde la ville de Riga, en 1200, et constitue rapidement un groupe de chevaliers-défenseurs. En 1191 il nomme un compagnon : Théodoric, évêque des Estoniens. Celui-ci, en son absence organise le groupe des chevaliers en un ordre de moines-soldats au statut imité des Templiers de Palestine : les chevaliers Porte-Glaive.

En 1215, le pape Innocent III consacre l'Estonie à la Vierge Marie et l'a nommée Terra Mariana. Les historiens disent que ce fût l'une des premières dédicaces du pays et de la nation à la Vierge Marie.

 

3- le monde Russe

a) Apogée

A la suite des Varègues scandinaves, la Russie kiévienne s’organise pour contrôler les voies fluviales liées à son activité marchande. Les princes conquièrent les territoires russes, jusqu’aux limites de la Pologne, entrent en conflit avec les Lituaniens, dominent au nord à Pskov et Novgorod, le grand marché du nord. Iaroslav, en 1030 fonde la future Tartu, soumise à Pskov. Mais, à sa mort, en 1054, son empire se fragmente en principautés indépendantes, souvent en conflits entre elles.

b) Déclin

Les princes de Novgorod (Alexandre Nevski) et de Pskov ne vont exercer leur pression vers la Baltique, que jusqu’au milieu du XIII° siècle.

La quatrième croisade, avec la prise de Constantinople en 1204, et la constitution d’un empire latin au sein du monde orthodoxe, affaiblit considérablement la voie commerciale du nord et la puissance des principautés russes.

Peu après, l’invasion mongole (1237), avec la destruction de Riazan, de Moscou, puis de Kiev, confirma le déclin russe. Les principautés russes paient tribut au khan Tatar de la « horde d’or », en basse Volga, et sont soumises à un véritable protectorat, respectant l’église. Les princes vont s’entre déchirer jusqu’à ce que Ivan III, au XV° siècle, reconstitue l’unité des pays russes et se libère du joug tatar.

 

1-La conquête

Les « croisades baltes » installent pour plusieurs siècles l’influence allemande entre Elbe et golfe de Finlande. Assez rapidement elles aboutissent à une organisation fragile, la Confédération livonienne, qui va exister jusqu’au XVI° siècle, avant la domination suédoise, puis russe.

a) Opérations militaires

A partir de Riga, les chevaliers Porte-Glaive conquièrent la Lettonie actuelle en 1208, mais ils se heurtent à une forte résistance des habitants et l’hostilité des Russes de Pskov. En 1217, la bataille de la Saint Matthieu assure la conquête de l’Estonie centrale. Mais en 1218 un raid lituanien parvient jusqu’à Saaremaa.

Les chevaliers, en petit nombre, gênés par l’absence de grande route, les marécages et la forêt, peinent à assurer leurs conquêtes. En 1219, l’évêque de Riga demande l’aide du roi de Danemark Valdémar II. Celui-ci débarque sur la côte sud du golfe de Finlande et fonde Tallinn (« le fort des Danois ») sous le nom de Reval. Il conquiert la région nord de l’Estonie, mais non Saaremaa, considéré comme « un nid de pirates ». En 1222, un soulèvement général, aidé par les Russes, annule la conquête, sauf Tallinn, jusqu’à 1227, où les Porte-Glaive reprennent l’Estonie continentale, et franchissent la mer gelée jusqu’à Saaremaa. La dernière forteresse : Valjala, se rend sans combat en février 1227. Mais la conquête de l’île reste incertaine jusqu’en 1261.

b) Réorganisation

Mais les chevaliers Porte-Glaive dès 1225 entrent en conflit avec les évêques, avec le Danemark, avec les Lituaniens qui sont vainqueurs à la bataille de Saule en 1236. Très affaibli, en 1237 l’Ordre fusionne avec celui des chevaliers teutoniques, fondés à Jérusalem, revenus en Europe après la fin du royaume de Jérusalem, et qui, après une tentative en Hongrie, tente de conquérir et christianiser les populations de Prusse et de Lituanie. Il devient une branche de l’Ordre teutonique, gardant son autonomie sous le nom d’ordre de Livonie.

La situation reste assez confuse pour que le légat du pape, Guillaume de Modène, vienne en 1238, négocier le traité de Stensky, qui institue une « Confédération livonienne » entre les possessions du roi de Danemark (côte nord autour de Reval), les territoires des évêchés (Ösel-Wiek , Reval, Dorpat et Riga), et ceux de l’ordre. Saaremaa (Ösel) est dans sa plus grande partie dépendante de l’évêché de Saare-Lääne (Ösel-Wiek), avec la forteresse de Kuressaare (Arensbourg), mais l’ouest et l’est sont territoires de l’Ordre dominés par la forteresse de Sonebourg (Poïde). Un siècle plus tard, en 1346, le roi de Danemark Valdémar IV vend à l’Ordre, pour 19000 livres d’argent la « province d’Estonie ».

 

2- La confédération livonienne

La Confédération livonienne est une formation politique féodale, faible et éclatée qui reste à l’écart des grandes affaires européennes. Elle dépend théoriquement du Saint Empire germanique, mais en reste indépendante.

a) La société

La société est caractérisée par la coexistence de plusieurs communautés linguistiques : plus distinctes dans le nord (actuelle Estonie) qu’au sud (Lettonie) où la colonisation allemande a été plus importante. Les seigneurs et les chefs religieux, dans leurs châteaux, les élites urbaines et les commerçants sont germanophones. Les « gens de la terre » (maarahvas), indigènes, forment la majorité de la paysannerie et des couches inférieures de la population urbaine. Ceux qui devenaient chrétiens gardaient leur statut d’hommes libres et leurs propriétés.

Les domaines ruraux nobiliaires de type féodal (les manoirs) deviennent progressivement au XIV° siècle la structure commune du pays, à partir des territoires du roi de Danemark, et dans les possessions des évêques et de l’Ordre de Livonie. La majorité était détenue par les colons germano-baltes, une minorité (plus importante à Saaremaa) par les descendants des chefs indigènes plus ou moins germanisés.

b) Les révoltes

Progressivement le poids des impôts (dîme) et des corvées, a suscité de violentes révoltes, en particulier en 1343-1345, à partir de la « nuit de la Saint-Georges ». A Saaremaa, les insurgés massacrèrent les habitants du château de l’ordre à Poïde (Sonebourg) et tentèrent de résister dans l’oppidum de Karja. L’ordre reprit le contrôle, mais le pays était dévasté, avec de grandes pertes humaines des deux côtés. Progressivement la condition des paysans indigènes s’est aggravée, jusqu’à l’établissement du servage au XV° siècle. La Confédération s’agrandit en 1346 des territoires du nord, vendus par le Danemark. En 1421, est créée une Diète de Livonie, pour aplanir les conflits incessants entre les évêques, les villes et l’Ordre.

Parallèlement, les voisins du sud et de l’est deviennent menaçants : en Russie, Ivan III se libère de la domination tatare à la fin du XV° siècle. En 1492 il ferme le comptoir de la Hanse à Novgorod, fonde en face de Narva une ville rivale, et attaque à plusieurs reprises la Livonie. Au sud-est, les lituaniens dont le prince va unir son état à la Pologne en 1385, écrasent l’ordre teutonique à Tannenberg en 1410, en lui imposant la suzeraineté de la Pologne.

c) la Réforme

La Réforme luthérienne, au début du XVI° siècle, atteignit Riga dès 1521. Entre 1524 et 1526, une véritable explosion emporta presqu’entièrement la résistance des évêques et des responsables de l’ordre. Beaucoup de couvents furent détruits ou fermés. En 1533 la diète de Livonie adopta officiellement la réforme. Les campagnes, qui n’étaient que superficiellement christianisées, furent gagnées progressivement. Les évêchés devinrent protestants : Tartu en 1558, Saare-Lääne (Ösel-Wiek) en 1559, Tallinn en 1565, Riga en 1568. L’évêque de Saare-Lääne, Johan de Munchaüsen, resté catholique, marginalisé par les protestants, s’exile en Allemagne en 1559 et vend ses domaines au roi de Danemark Frédéric II. Celui-ci les donne à son frère Magnus de Holstein qui, bien que protestant, est élu évêque et débarque à Kuressaare en 1560.

 

Elle résulte de la compétition des trois puissances régionales en pleine ascension : la Lituanie (unie à la Pologne), la Russie, et la Suède autour d’une confédération livonienne de plus en plus faible.

a) l’attaque russe

Le grand prince de Moscou, Ivan IV, se proclame pour la première fois « tsar » (césar), et se lance dans une politique de conquête, vers la Sibérie, les steppes tatares du nord de la mer noire, et vers l’ouest : la Livonie. Les intérêts politiques et commerciaux russes, à la différence de la Russie Kiévienne, sont maintenant au nord : Moscou est à la latitude de la Lituanie actuelle. Ils réclament un accès à la Baltique.

En 1558, Ivan le Terrible envahit la Livonie, s’emparant de Narva et de Tartu. Le grand maître de l’ordre de Livonie est battu par les Russes et doit faire face à un soulèvement de paysans. Il demande l’aide du roi Sigismond de Pologne-Lituanie. Au nord, la noblesse et les bourgeois de Tallinn font appel au roi Eric XIV de Suède.

b) l’offensive suédoise

La Suède poursuit son essor depuis le début du siècle. Elle s’est libérée de L’union avec le Danemark et la Norvège. Elle est devenue une monarchie protestante centralisée ambitieuse, qui profite commercialement du déclin de la Hanse. L’armée suédoise est victorieuse. En 1561, le traité de Vilnius entérine le partage de la confédération livonienne : l’évêché de Saare-Lääne (Saaremaa et Haapsalu) devient province danoise, Tallinn et ses environs, province suédoise, le reste de la Livonie est partagé en deux duchés dépendant de la Pologne : le duché de Livonie avec Riga pour capitale (sud de l’Estonie et nord de la Lettonie actuelles), et la Courlande plus au sud. La Russie conserve Tartu et Viljandi. L’ordre de Livonie disparaît, les derniers chevaliers, passés à la Réforme, s’assimilent à la noblesse germano-balte. A Saaremaa, Magnus acquiert de la Pologne, les anciennes possessions de l’ordre dans l’île (Poïde) en échange de terres qu’il avait en Lääne. L’île devient ainsi entièrement danoise.

c) la victoire suédo-polonaise

Rapidement de nouvelles luttes surviennent entre les vainqueurs. En 1570 Magnus cède à la Suède ce qui restait de l’évêché de Saare-Lääne sur le continent, et ne conserve que l’île de Saaremaa et celle de Hiiumaa. Le territoire suédois conquis gardera jusqu’en 1920 le nom d’Estonie, ou Estlande (moitié nord de l’Estonie actuelle). Bientôt, Magnus, en opposition à son frère s’allie au Tsar, avec le titre de roi de Livonie et attaque les Suédois avec une armée russe (1570). Le roi de Pologne, Etienne Bathory, s’allie au Suédois en 1576 pour vaincre les Russes et faire le siège de Pskov.

En 1582 la paix de Iam Zapolsk reconnaît la défaite russe : la Livonie reste polonaise, Saaremaa reste danoise, le nord (sous le nom d’Estlande) reste Suédois (bientôt complété, à l’est de Narva par la conquête suédoise de l’Ingrie).

La région est ainsi intégrée à l’Europe et s’ouvre davantage aux influences culturelles occidentales.

d) La Livonie suédoise

En 1600, une querelle dynastique entre Pologne et Suède ravive la guerre, la noblesse germano-balte optant plutôt pour la Suède (protestante) que pour la Pologne (catholique). Gustave II Adolphe, jeune roi de Suède et brillant général, conquiert toute la région. En 1629, la Pologne cède à la Suède le duché de Livonie, et ne conserve que la Courlande, au sud de Riga. Très vite, Gustave-Adolphe vient aider les princes protestants du Saint-Empire dans la guerre de trente ans en Allemagne, et triomphe des armées impériales. Il meurt en 1632 à la bataille de Lützen contre Wallenstein, mais la Suède, aux traités de Westphalie (1648) confirme sa domination de la Baltique par l’acquisition de la Poméranie occidentale.

Peu avant (1645), par le traité de Brömsebro, le Danemark lui avait cédé l’île de Saaremaa et ses dépendances.

 
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